Le Parisien
Plus d'un millier de manifestants occupait toujours dimanche la place Tahrir au Caire au lendemain d'affrontements qui ont fait un mort, mettant en évidence les tensions autour de l'armée accusée de freiner les réformes deux mois après la chute du président Moubarak.
Les manifestants, qui ont passé la nuit sur la place dont les accès étaient bloqués par des barbelés et des poutrelles, continuaient de lancer des slogans hostiles au maréchal Hussein Tantaoui, chef de l'institution militaire au pouvoir depuis la chute de Hosni Moubarak le 11 février.
"Le peuple demande le renversement du maréchal", qui fut pendant 20 ans ministre de la Défense de M. Moubarak, lancent notamment les manifestants, dont le nombre s'est renforcé en début d'après-midi.
Les épaves de plusieurs véhicules calcinés étaient toujours présentes sur la place et aux abords, et le sol était jonché de pierres. Certains manifestants avaient dressé des tentes improvisées sur le rond-point central.
L'intervention de la police militaire, appuyée par la police anti-émeutes, contre les manifestants dans la nuit de vendredi à samedi avait fait un mort et 71 blessés selon un bilan officiel. Des sources médicales avaient auparavant fait état de deux morts.
Amnesty International a dénoncé dans un communiqué "l'usage excessif de la force par l'armée égyptienne", citant sur la foi de témoignages l'usage de matraques électriques et l'envoi de véhicules blindés qui ont fait de nombreux blessés en entrant dans la foule.
L'armée pour sa part a nié avoir agi avec brutalité et démenti des accusations selon lesquelles elle aurait ouvert le feu sur des manifestants. Elle les a qualifiés de "hors-la-loi" en laissant entendre qu'ils pourraient agir à l'instigation de partisans de M. Moubarak.
Des dizaines de milliers de manifestants avaient réclamé vendredi sur cette place emblématique du soulèvement populaire égyptien, le jugement de M. Moubarak et d'autres hauts responsables de son régime, sur fond de critiques contre l'armée.
La présence de sept officiers en uniforme parmi les manifestants avait laissé poindre des divisions au sein d'une institution militaire traditionnellement hermétique sur ses débats internes.
Ces événements témoignent d'une récente montée des tensions autour du rôle de l'armée, après une période de large consensus sur son action pour stabiliser le pays et organiser le retour à un pouvoir civil élu promis pour la fin de l'année.
Un influent mouvement issu de la révolte anti-Moubarak, la Coalition de jeunes de la révolution, a déclaré par la voix d'un de ses dirigeants, Chadi Ghazali Harb, avoir "suspendu ses contacts avec l'armée" après les incidents de Tahrir, en attendant une enquête et la libération de la quarantaine de personnes arrêtées.
L'armée a été au cours des derniers jours mise en cause pour la traduction en justice du blogueur qui l'avait critiquée, pour des violences contre des manifestants lors du renversement de M. Moubarak, ainsi que pour la pratique de "tests de virginité" sur des manifestantes arrêtées à l'époque.
Mais la popularité dont l'institution militaire continue de bénéficier dans une vaste partie de l'opinion a amené plusieurs responsables et organisations à rester prudentes face à ces critiques.
L'opposant et ancien haut fonctionnaire international Mohamed ElBaradei a, dans un message diffusé sur le site Twitter, estimé que "le maintien de la confiance entre l'armée et le peuple est vital".
Le puissant mouvement des Frères musulmans a, dans un communiqué, "condamné toute tentative d'affaiblir la relation entre l'armée et le peuple et de les monter l'un contre l'autre", même si "de nombreuses demandes du peuple doivent encore être satisfaites".
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