Le Figaro
«Le plus urgent, c'est la dramatique situation humanitaire», explique Ahmad. «Les habitants de Deraa manquent de tout et n'ont pas accès aux premiers soins.» Médicaments, lait pour enfant, Ventoline: l'homme a soigneusement disposé le tout dans un sac à dos. En temps normal, la traversée ne lui aurait pas pris plus d'un quart d'heure. Mais le poste frontière de Ramtha est fermé depuis trois semaines. Celui de Jabir, quinze kilomètres à l'est, est interdit à toute personne originaire de Deraa. Dans son sac, cinq téléphones satellitaires, et une soixantaine de cartes SIM jordaniennes. «Nous devons aussi faire face à une autre guerre: celle de l'information. Si le gouvernement syrien a remporté la première manche, en expulsant tous les journalistes étrangers et en coupant les lignes téléphoniques et l'électricité, nous, le peuple, nous n'avons pas dit notre dernier mot.»
Dès la nuit tombée, Ahmad récite une prière et embrasse ses «frères» de circonstance avant de disparaître dans les champs, peu rassuré. Une arrestation en Syrie le mènerait droit à l'échafaud. Il s'ensuivra un long silence, d'une journée entière, puis quinze coups de téléphones avortés, avant qu'il ne donne signe de vie. Les précieuses informations qu'il transmet contrastent avec celles du gouvernement syrien, qui annonçait vendredi le retrait de l'armée de Deraa et un cessez-le-feu. «Les tanks de l'armée sont plus que jamais présents et de nombreux check points sont toujours dressés dans la ville», annonce la voix entrecoupée d'Ahmad. «Trois personnes ont été tuées vendredi à Deraa et n'ont pas pu être enterrées. Quarante personnes ont été abattues depuis mercredi dans la ville de Henkel, dix dans celle de Jassem (région de Deraa).»
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire