Jérusalem Religions
La concomitance de la chute du gouvernement et de l’annonce d’une démission du patriarche maronite a été très mal reçue par l’opinion. Une source autorisée, proche de Bkerké, a fait le point pour « L’Orient-Le Jour ».
Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, a-t-il « démissionné » ? C’est ce qu’a affirmé hier l’Agence nationale d’information (ANI-officielle) dans une dépêche qui affirmait : « Après une rencontre avec Mgr Nasrallah Boutros Sfeir, le ministre Boutros Harb a annoncé que le patriarche avait présenté sa démission au Saint-Siège, lui demandant de le décharger de ses fonctions. »
« Le Vatican n’a pas encore tranché », a ajouté l’agence, sans élaborer. La veille, le quotidien al-Chark avait publié une nouvelle en ce sens, qui avait été démentie par le patriarcat maronite. Hier, et avant que M. Harb ne se prononce, l’évêque maronite du Batroun, Boulos Émile Saadé, avait démenti aussi la nouvelle, estimant que « sa diffusion par certains organes de presse vise à créer une confusion entre le religieux et le politique ».
Qu’en est-il au juste ? Selon une source autorisée proche du patriarcat maronite, le patriarche Sfeir a effectivement fait part au pape Benoît XVI, au cours de son dernier séjour à Rome, il y a quelques semaines, de son intention de se démettre de ses charges. Au Liban, il l’aurait annoncée aux membres du synode des évêques maronites, sous le sceau de la confidentialité. Il ne pouvait prévoir que le bruit parviendrait jusqu’à la presse, et surtout qu’il coïnciderait avec la chute du gouvernement. Selon la source citée, « il ne faut pas se perdre en conjectures et se laisser aller à des spéculations qui ne servent ni les intérêts des chrétiens, les maronites en particulier, ni ceux des Libanais. Le patriarche Sfeir continuera de tenir la barre du navire, en sage timonier, jusqu’au moment où le Saint-Père dira son mot.
« La décision du patriarche Sfeir de remettre le flambeau à un successeur, après 25 ans de règne patriarcal dans les circonstances les plus délicates qu’ait connues de son histoire, et nonobstant le fait qu’elle ait été formulée verbalement ou par écrit, ou des deux manières, ne prendra sa forme définitive qu’après son acceptation par le pape, qui pourrait y surseoir provisoirement. Ce qui s’est passé est assimilable à une déclaration formelle d’intention. Le Vatican n’y est strictement pour rien. Aucune proposition, aucune suggestion n’a été formulée en ce sens par le Saint-Siège. » En privé, des sources proches du patriarche affirment que le chef de l’Église maronite a atteint l’âge de 90 ans, et que, malgré son étonnante forme et sa clairvoyance intellectuelle, il s’agit là d’un « seuil psychologique » dont il a décidé qu’il fallait tenir compte.
Ces mêmes sources ajoutent que le patriarche a été excédé par le carriérisme de certains évêques qui, tout en faisant son éloge, manifestaient à son égard une certaine impatience. C’est ainsi qu’il a été plus gêné que flatté de l’annonce qu’un jubilé sacerdotal, épiscopal et patriarcal lui était préparé pour mai prochain, à l’occasion de son anniversaire.
Le cardinal Nasrallah Boutros Sfeir, âgé de 90 ans, est à la tête de l’Église maronite depuis 1986. Il est le 76e patriarchemaronite depuis l’arrivée des premiers disciples de saint Maron au Liban, il y a plus de 1 500 ans. Au-delà de son leadership religieux, il a joué un rôle considérable dans la vie politique du Liban. C’est notamment à son appel en 2000 que le mouvement opposé à l’hégémonie de la Syrie, alors puissance de tutelle depuis trois décennies au Liban, a commencé à prendre de l’ampleur, jusqu’au retrait des troupes syriennes en 2005, dans la foulée de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.
Source : Par Fady NOUN, L’Orient-Le Jour, 17/1/2011
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire