De Randa HABIB (AFP) –
AMMAN — Le dialogue national lancé en Jordanie, peine à réaliser des progrès, la puissante opposition islamiste ayant refusé de s'y joindre, alors que des analystes mettent en garde contre un risque d'explosion.
Une Commission de dialogue a été créée par le gouvernement le 14 mars pour se pencher sur l'amendement de la loi électorale et celle des partis politiques dans un délai de trois mois.
Les quatre membres de l'opposition islamiste invités à s'y joindre, ont refusé d'y participer exigeant que l'"ordre du jour inclue des réformes constitutionnelles qui donnent le pouvoir au peuple", a déclaré à l'AFP Zaki Bani Rsheid, chef du bureau politique du Front de l'Action Islamique (FAI), principal parti d'opposition.
Le chef de cette commission, le président du Sénat Taher Masri, a déclaré jeudi à l'AFP qu'il "poursuivait ses tentatives de convaincre les islamistes de se joindre au dialogue". Pour les encourager, la commission a décidé mercredi de mettre "les amendements constitutionnels" au menu de ses débats, a-t-il affirmé.
Elle examinera notamment "l'éventualité de confier au (pouvoir) judiciaire la supervision des élections législatives au lieu du ministère de l'Intérieur, la durée des sessions parlementaires et le mandat du président de la Chambre, qui nécessitent des amendements constitutionnels". "Jusqu'où peut-on aller dans nos débats ? Cela n'est pas clair", a-t-il cependant souligné.
Ces mesures ne semblent pas convaincre l'opposition.
"Ces amendements proposés ne sont que des changements de forme liés à la loi électorale, or nous demandons des changements de fond qui permettent la formation de gouvernements parlementaires", souligne M. Bani Rsheid. "Tout cela n'augure rien de bon, la commission patauge et elle a clairement les mains liées par un ordre du jour limité", estime pour sa part un ancien ministre.
"Le sentiment dans la rue est que tout cela est une perte de temps, surtout que la Jordanie avait élaboré en 2005 un +"Agenda National+, large programme de réformes qui s'est penché sur toutes ces questions, mais dont les recommandations n'ont jamais été appliquées", a rappelé l'ancien ministre s'exprimant sous couvert de l'anonymat. "Dans ce contexte, il est clair que l'echec signifie un risque d'explosion", a-t-il ajouté à l'AFP.
Même son de cloche chez le chercheur du Centre d'études stratégiques de l'Université jordanienne, Mohamad Masri, pour qui une "explosion est possible si le régime n'agit pas rapidement". Dans des déclarations à l'AFP ce chercheur a estimé que l'echec du dialogue risque de mener à l'établissement, par l'opposition, d'un pouvoir parallèle qui se chargerait lui même des réformes.
"L'échec du dialogue pourrait pousser les opposants à créer des commissions populaires qui se chargeraient des amendements constitutionnels demandés par le peuple, passant outre l'autorité de l'Etat", prévient M. Masri. Selon lui, "la nature de ces demandes pourraient se radicaliser".
En Jordanie, où des manifestations se poursuivent depuis trois mois, l'oppposition islamiste ainsi que les mouvements de gauche et nationalistes, n'ont pas appelé à un changement de régime, mais à des réformes politiques profondes et au jugement des corrompus.
"Taher Masri a le sentiment qu'il marche sur un champ de mines", a déclaré à l'AFP un membre de l'entourage du chef de la Commission de dialogue.
Outre les quatre islamistes, un militant politique indépendant Labib Kamhawi a refusé de participer à la commission, et le chef du mouvement des Militaires à la retraite, Ali Habashneh, a décidé de "geler sa participation", a-t-il annoncé à l'AFP. Des 52 personnalités invitées, la commission ne compte plus que 46 membres, dix jours après sa formation.
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