Extraits du rapport présenté au Comité contre la torture dans le cadre de l’examen du rapport initial de la Syrie le 9 avril 2010
3.1 La loi d’état d’urgence
La loi portant état d’urgence du 22 décembre 1962 permet, selon son article , au
Premier ministre de nommer un Administrateur de la loi martiale (hakim al-‘urfi) qui
commande toutes les forces de sécurité intérieure et extérieure
L’article 4 attribue à l'Administrateur, au Premier ministre ainsi qu’au ministre de l’intérieur (en sa qualité d’adjoint de l'Administrateur) des prérogatives qui limitent fortement les droits des citoyens syriens et entraînent la violation de nombreuses dispositions de la Constitution
relatives aux libertés publiques.
Ainsi, l’article 28 qui consacre l’habeas corpus, la présomption d’innocence en matière pénale et l’interdiction des traitements humiliants, l'article 31 instituant l’inviolabilité du domicile, l’article 32 sur le secret des correspondances, l’article 38, garantissant la liberté d’opinion sous forme d’expression écrite ou verbale, etc. sont mis à mal par les dispositions de cette loi.
L’Etat partie cite dans son rapport périodique une série de restrictions prévues par
l’article 4 de la loi d’état d’urgence: « La restriction de la liberté des personnes, la
censure de la correspondance, des communications et des moyens d’information, ainsi
que la détermination des heures d’ouverture et de fermeture des lieux publics, le retrait
des permis de port d’armes et de munitions, l’évacuation de certaines zones ou leur
isolement, la confiscation de biens meubles et immeubles, la mise sous séquestre des
sociétés et la prescription de peines en cas de non-respect de ces ordres, qui n’excèdent
pas trois ans d’emprisonnement et une amende de 3 000 livres syriennes au plus»
Il omet cependant d’ajouter « l'arrestation préventive de personnes suspectes ou représentant une menace pour la sécurité et l'ordre public »....
....
Les charges retenues contre les opposants sont aussi vagues qu’étendues: L’argumentd’atteinte à la sécurité de l’Etat est invoqué tout autant que la «diffusion de fausses nouvelles » (article 287 du Code pénal), le « mépris de l'administration publique», le faitd’«affaiblir le sentiment national ou de réveiller les tensions raciales ou sectaires tandisque la Syrie est en guerre ou s'attend à une guerre » (art. 285 CP) ou de « disséminer de fausses informations qui pourraient affecter le moral de la nation » (article 286 CP), d’avoir pris des initiatives ou fait des déclarations écrites ou orales susceptibles de mettre l’État en danger, de nuire à ses relations avec un pays étranger ou de l’exposer à une action hostile » (art. 278 CP).
S'ajoute à cela les articles 306 (« appartenance ou adhésion à une organisation créée en vue de modifier la situation financière ou sociale de l’État ») et 307 (« toute action, discours ou écrit incitant au sectarisme ou encourageant les luttes sectaires ») appliqués notamment pour les signataires de la « Déclaration de Damas » (voir ci-dessous) jugés par la Cour suprême de l'Etat en octobre 2008 qui s’étaient pourtant référés à l’article 38 de la Constitution syrienne, qui garantit le « droit d’exprimer ses opinions publiquement et librement, en paroles, par écrit et par toute autre forme d’expression ».
5.2 Les lieux de détention arbitraire et de tortures des services de
renseignements
• Le centre de détention « Palestine » qui est le centre principal des services de
renseignements militaires et le plus important des centres de détention secrète.
Ce centre de détention contient des « cellules tombeaux », cellules souterraines
sans lumière de deux mètres de long, un mètre de large et deux mètre de haut
qui sont infestées de cafards et de rats. La détention dans ces cellules peut durer
des années, parfois au secret, sans contact avec le monde extérieur. Le centre
Palestine est réputé être le centre de torture le plus inhumain du pays.
• Le centre de détention dirigé par la sécurité politique dans le quartier de Fayha à
Damas.
• Les locaux du service de la sécurité politique à Al-Qaboun, Damas.
• Le centre de détention situé dans le quartier de Mezzé à Damas, dirigé par la
direction centrale de la sécurité politique.
• La prison centrale de Damas à Adra, située à environ 20 km de la capitale sur un
terrain très vaste et comporte de nombreux bâtiments parmi lesquels ceux de
l'administration, la prison proprement dite et les ateliers de travail. Les détenus
condamnés ne sont pas séparés en fonction de la nature des condamnations
(délictuelle, criminelle, politique) ni des personnes en détention préventive. Les
prisonniers politiques sont placés volontairement avec ceux de droit commun dans
les mêmes cellules surpeuplées et extrêmement sales ; la nourriture y est
insuffisante et de mauvaise qualité. Les pots-de-vin sont obligatoires pour avoir
accès aux produits de première nécessité. Les visites de famille ou d'avocat sont
surveillées par un geôlier ; la langue de communication utilisée au parloir doit être
l'arabe ce qui pose un problème pour certains détenus kurdes ou étrangers. Les
soins médicaux sont rudimentaires et les détenus doivent payer la plupart de leurs
médicaments eux-mêmes. Les cas d'urgence ne sont pas pris en charge à temps.
• Le centre de détention du Département de l'Immigration et de la nationalité à
Damas.
• La Prison Sednaya est prévue pour 5 000 détenus mais a hébergé jusqu'à 10 000
personnes. Elle a été inaugurée en 1987 pour les détenus de droit commun, mais
dès le début, des prisonniers politiques y ont été transférés à l’issue de leur
interrogatoire dans les différentes sections situées à Damas ou en provenance
d'autres districts après y avoir séjourné parfois des mois voire des années au
secret et soumis à la torture. Les détenus peuvent à tout moment être de nouveau transférés vers l'un des centres des services de sécurité pour y subir de nouveaux
interrogatoires. La prison de Sednaya comporte aussi des locaux de torture. Le
Comité syrien des droits de l'homme a en 2004 répertorié les noms de 580
détenus politiques ou d'opinion parmi lesquels figurent 356 membres des Frères
musulmans emprisonnés depuis la fin des années 70 et début 80 du XXe siècle
soit depuis environ 30 ans. Beaucoup sont dans un état physique et psychologique
déplorable, certains ont perdu la raison après les tortures subies durant les
premières années de leur détention. D'autres ont purgé leur peine sans avoir été
libérés depuis. L'exemple le plus caractéristique concerne Abdelkader Muhammad
Cheikh Ahmed qui aurait du être libéré en 1979 et qui en 2004 se trouvait encore
en prison. 175 détenus sont d'horizon politique divers: Nassériens, Palestiniens du
Fatah ou du Front populaire, Irakiens baathistes, islamistes salafistes ou officiers
de l'armée. Enfin 49 membres du Hizb At-Tahrir sont détenus depuis 1999. L'un
des plus anciens détenus est 'Imad Shiha qui est emprisonné depuis 1974
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