Treppenwitz a écrit sur son blog cette description de la mentalité israélienne que j'ai adapté pour le lectorat français :
Ayant vécu en Israël depuis plus de huit ans, je suis fier d'annoncer que globalement, je me suis acclimaté à la culture locale.
Il est difficile de dire si je suis devenu culturellement israélien, ou si je suis tout simplement moins sensible aux différences culturelles entre mes manières et celles des israéliens "de souche".
Mais de toutes les petites différences culturelles qui m'ont marquées, il reste une qui, à mon sens, incarne
" l'israélitude " : le demi-tour dans une rue passante.
Quiconque a déjà conduit une voiture connaît les trois étapes de la manœuvre du demi-tour. Avec la prolifération en Israël, des ronds-points de style européen, on pourrait penser que cette manœuvre est devenue un vestige aussi anachronique que de jeter le papier hygiénique usagé à la poubelle à côté des toilettes au lieu de le jeter dans la cuvette.
Mais on aurait tort.
Ce qui me surprend à nouveau chaque fois que je vois quelqu'un faire un demi-tour n'est pas qu'ils le font... mais plutôt la façon de le faire. La façon d’exécuter cette manœuvre simple crée un gouffre béant entre la mentalité des Israéliens de souche et les autres qui ont appris à conduire à l'étranger.
Permettez-moi d'expliquer:
Un immigrant typique qui a appris à conduire, disons, au Canada ou aux États-Unis, sait que bien qu'un demi-tour peut être inévitable dans des endroits comme un parking ou une rue résidentielle, il ne peut être effectué que dans les circonstances suivantes:
1. Aucun véhicule venant en sens inverse n'arrive de la direction opposée,
2. Aucun véhicule ne nous suit,
3. Il y a suffisamment d'espace pour être en mesure d'effectuer le demi-tour en trois manœuvres rapides.
Une fois respectés ces trois critères, le conducteur immigré engage rapidement la voiture dans le premier point de la régate en trois points. Avant même que la voiture n'arrive à un arrêt complet, la transmission est mise en marche arrière, et la voiture est rapidement lancée en direction du deuxième point. Encore une fois, avant que la voiture ne s'arrête complètement, la transmission est remise en première (ou "drive" - il y beaucoup d'automatiques) et la voiture est propulsée rapidement dans la nouvelle direction du trajet... espérant n'avoir gêné personne.
Cependant, si la manœuvre n'est pas effectuée assez rapidement, et/ou si une voiture apparaît soudainement dans une des deux directions, un conducteur immigrant type va soudainement ressentir une pression, sera probablement en sueur... tout en essayant de terminer la manœuvre encore plus vite que ce qui avait été prévu. Une fois terminée, un geste d'excuse de la main et un haussement d’épaules doivent être offerts en expiation en direction du conducteur qui a été incommodé par votre manœuvre mal planifiée/mal chronométrée.
Les natifs israéliens conçoivent le demi-tour de la même façon que tout le reste sur la route. En fait chaque action d'un natif d'Israël, sur ou hors de la route, tombe dans une des deux catégories clairement définies : permise ou interdite. Il n'y a pas de zone grise : "conditionnellement interdite" ou "autorisée sous condition".
C'est pourquoi les panneaux de "Stop" n'ont jamais percé ici, on a dû les remplacer par des ronds-points. Les Israéliens ne pouvaient pas saisir l'idée qu'il "faut vous arrêter, puis ne vous engager que si la voie est libre... et alors seulement par ordre de préférence, à commencer par le véhicule sur votre droite".
Ce genre de règle basée sur de multiples niveaux de conditions ont débordé tous les circuits du conducteur israélien.
C'est pourquoi, dès que la ligne blanche médiane cède la place à une ligne blanche interrompue, les Israéliens se sentent libres - même forcés - de doubler sans se demander s'il y a ou non un véhicule en face.
La ligne interrompue permet de doubler. Par conséquent, il incombe à la circulation en sens inverse de s'adapter d'une manière ou d'une autre à l'apparition soudaine du véhicule de l'israélien.
Sinon, ça serait interdit. Pas vrai ?
Je peux déjà vous entendre citer votre cours : " Vous pouvez doubler sur une ligne interrompue, mais seulement après avoir vérifié que vous avez assez de temps pour compléter la manœuvre sans interférer avec la circulation. Si la voie en sens inverse n'est pas libre, vous n'êtes pas autorisé à passer".
Stupides immigrants ! Ce que vous venez de décrire est un exemple d'une "autorisation conditionnelle". Rappelez-vous, il n'existe pas de telle chose ici en Israël. Ici les règles sont binaires : permis ou interdit.
Alors, quand un Israélien exécute un demi-tour, dans son esprit, il accomplit un acte 100 % légalement autorisé. Par conséquent, la circulation dans les deux directions doit lui faciliter la manœuvre et attendre patiemment.
Un Israélien va exécuter la première étape du demi-tour rapidement. Non pas par sentiment d'urgence, notez bien. Mais plutôt dans le but d'annoncer sans ambiguïté à tout le monde sur la route que la manœuvre a commencé.
Voyez vous, dans une société où tout est soit permis ou interdit, l'ambiguïté c'est l'ennemi. Si quelqu'un peut raisonnablement dire à un policier ou un enquêteur d'assurance que vos intentions n’étaient pas claires, vous êtes à blâmer. Mais si vous agissez hardiment, de façon à éliminer tout doute dans l'esprit de ceux qui vous entourent quant à ce que vous essayiez de faire... vous êtes 100 % dans votre droit (c'est tellement la façon de penser israélienne).
Donc, une fois réalisée la première étape de la manœuvre (bloquant les deux voies), le conducteur israélien ne sent pas de pression pour procéder vite. Une station de radio peut être trouvée... il peut boire du café... ou allumer une cigarette... un maquillage peut être rectifié (ou même appliqué)... tout cela sans égard quelconque à toute personne qui pourrait attendre.
Parce que permis c'est permis. L'obligation de compléter le demi-tour en un laps de temps limité suggère une autorisation conditionnelle. Et un tel concept est étranger à la manière israélienne de faire les choses.
C'est pourquoi, tout au moins à cet égard, je serai toujours considéré comme un immigré.
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