Rechercher dans ce blog

vendredi 11 février 2011

Le général Aoun en pèlerinage en Syrie à Brad: un pas de plus vers un califat Iranien dans la région

L'orient le Jour 

Brad, où l'on célèbre désormais un culte étrange et inédit à saint Maron, est certainement le lieu de tous les paradoxes.

Le chef du CPL (Courant Patriotique Libre-  mouvement d'Aoun) , bombardé aujourd'hui Grand Pontife des cérémonies à Brad, se targuait autrefois d'être le chantre de la laïcité, rejetant catégoriquement le titre réducteur de « général chrétien » dont voulait l'affubler à tout prix la presse internationale en 1989.
L'ultrasouverainiste de naguère, qui refusa à raison toutes les ingérences de toutes sortes dans les affaires internes, spécialement celle de Damas, se rend désormais au palais des Mouhajirine pour discuter des quotas de participation au sein du prochain cabinet. Il en avait d'ailleurs été de même à la veille de la formation du cabinet Hariri, fin 2009.

Celui qui avait mis en garde, à peine sorti de l'avion qui le ramenait de son exil parisien, contre un syndrome de Stockholm qui garderait les Libanais sous l'emprise et la fascination de leurs anciens ravisseurs syriens a malheureusement pris goût, semble-t-il, à se faire rappeler à l'ordre - qui plus est par son ancien ennemi juré et nouveau protecteur. Dès qu'il commence en effet à faire triomphalement monter les enchères, c'est ipso facto la convocation à la Sublime Porte qui suit, et un retour à un réalisme plus amer...

Ce n'est là qu'un petit exemple de la somme de contradictions - on pourrait en citer bien d'autres, comme la lutte féroce contre le féodalisme politique chez les autres et la pratique népotiste manifeste chez soi - qui jalonnent le parcours du chef du CPL.
Mais là n'est pas l'essentiel. Le plus grave, dans la démarche de Brad, ne concerne pas Michel Aoun, mais la communauté qu'il instrumentalise - mais saisit-il la portée réelle de ses actes ? - à des fins politiques et idéologiques.


Durant toute leur histoire, les maronites se sont distingués par leur territorialité. Le Liban est, pour eux, le foyer national par excellence, à l'image de ce qu'est l'Arménie aux arméniens ou la Petite Serbie aux Serbes. Les maronites ont été jusqu'au bout de la territorialisation en déployant tous leurs efforts, autour du patriarche Hoyek, pour créer l'entité libanaise. La volonté actuelle de leur créer une antenne spirituelle en dehors du territoire de leur identité nationale historique, et ce en jouant sur les mythes et les représentations religieuses de l'inconscient collectif, est non seulement inédite mais de plus folklorique et artificielle. Elle ne découle guère d'une volonté de redécouvrir un patrimoine spirituel quelconque. Elle cherche à combler une crainte au niveau de la psyché chrétienne en faisant miroiter l'image d'une soi-disant « reconnaissance » extraterritoriale de leur présence et de leur patrimoine.

Mais la réalité est plus dangereuse : il s'agit d'ancrer les maronites comme une minorité orientale supplémentaire dans le cadre d'une idéologie dominante, celle de l'alliance des minorités. Le fait que saint Maron a vécu jadis dans la Syrie romaine est une aubaine, puisque le lieu de culte concerné se trouve justement dans le territoire du régime qui distille depuis trois décennies cette idéologie dont le général Aoun est devenu aujourd'hui le porte-parole sur le plan chrétien.

Derrière l'initiative pseudospirituelle de Brad, il y a donc un intérêt politico-idéologique : celui de couper la communauté maronite de son ancrage territorial libanais, et de la diluer au contraire dans une culture de l'espace similaire à celle contre laquelle mettait en garde l'imam Mohammad Mahdi Chamseddine dans son Testament, celle qui a conduit une partie des chiites à rechercher un projet particulier et extraterritorial autour du wilayet el-faqih et de Téhéran. Il se trouve d'ailleurs que cette faction chiite particulière, le Hezbollah, est le partenaire du général Aoun dans son projet, au sein du fameux document d'entente de Mar Mikhaël.

Un retour aux sources n'est pas mauvais en soi. Une aspiration à l'universalité non plus. L'Exhortation apostolique et le synode ont tous les deux exprimé cette volonté maronite libanaise de rester attachés à leur identité - rendue possible grâce à la territorialisation libanaise, où réside leur patriarche - tout en évoluant, en réseau, dans leurs différents points de chute à travers le monde, et en Occident surtout. Mais le processus aounien est une perversion absolue de cet axe directeur : il œuvre, à l'opposé, à un ancrage politique à la Syrie, en utilisant le domaine religieux comme outil de persuasion, avec pour objectif ultime la consécration de l'alliance des minorités. Une alliance dont le visage se précise à la lumière des récents propos de Ali Akbar Salehi concernant un « nouveau Moyen-Orient islamique », au sein duquel les minorités, gouvernées par des ethnarques, seraient noyées au sein de l'espace impérial du wilayet el-faqih iranien.

Là où l'Exhortation apostolique visait à former des citoyens ouverts sur le monde, l'objectif du pèlerinage de Brad, s'il finit par rentrer dans les coutumes, sera de consacrer le statut des maronites comme celui d'une minorité recluse sur elle-même dans la peur et toujours à la recherche d'un protecteur providentiel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire