En voici l'adaptation:
Obama se convertit au néo-réalisme
Par Spengler
Avec un accord israélo-palestinien plus improbable que jamais au cours des 20 dernières années, pourquoi le président Barack Obama va en Israël? Où vouliez-vous qu'il aille?
Au moment de la Pâque Juive de cette semaine, alors que les Juifs du monde entier revivent leur libération de l'esclavage égyptien, Obama a fait en quelque sorte, un exode personnel, quittant son Discours du Caire au monde musulman en Juillet 2009, pour arriver en Mars 2013, à Jérusalem.
En dehors de la Jordanie, il n'y a pas beaucoup de lieux arabes pour Obama à visiter. La Guerre sectaire se propage de la Syrie au Liban et en Irak et la gouvernabilité de l'Egypte est discutable. Le grand projet personnel du président américain, à savoir la réconciliation avec le monde musulman, s'est désintégré.
Deux des changements décisifs dans la position d'Obama envers Israël ont été largement remarqués. Le premier est que le président n'exige plus aucun préalable d'Israël avant les pourparlers de paix, en contraste frappant avec son insistance lors de son premier mandat sur le gel des constructions dans les territoires contestés. Le second était l'approbation d'Obama de la conception Israélienne, à savoir que l'Etat moderne d'Israël est le successeur du royaume biblique juif et que c'est la patrie historique du peuple juif.
Ce changement est le bienvenu pour ceux d'entre nous qui avaient attiré l'attention sur le parti pris anti colonial d'Obama, parti pris acquis par une enfance passée en partie en Indonésie et par une forte identification avec un père et un beau-père musulmans. Quelle que soient les sympathies personnelles d'Obama, il dirige l'Etat américain, et l'État américain a des intérêts. Ces intérêts sont menacés par l'émergence de la guerre entre sunnites et chiites et par le risque qui l'accompagne, de la prolifération des armes de destruction massive. Dans la région, l'Amérique a un seul et unique allié puissant et fiable, à savoir Israël. En procédant par élimination, Obama n'avait nulle part ailleurs où aller.
Il est difficile de catégoriser la position d'Obama politique actuelle. Il a abandonné depuis longtemps le "réalisme'' de Robert Gates et de Brent Scowcroft, et semble avoir renoncé à l'idéalisme de son équipe personnelle de politique étrangère. C'est ce que suggère le départ en février de sa Tsarine des Droits de l'Homme, Samanta Power. Si le néo-conservatisme est la position de quelqu'un politiquement de gauche qui a été victime d'un vol avec agression, peut-être que nous devrions appeler la position d'Obama: "néo-réalisme".
Si Obama a effectué son propre Exode du Caire à Jérusalem, il doit encore traverser une mer Rouge métaphorique, dans le cas de l'Iran. La tradition rabbinique décrit l'événement biblique comme un saut existentiel: Dieu n'a séparé les eaux pour les Enfants d'Israël, tant qu'un des Israélites ne se soit immergé dans la mer Rouge jusqu'au cou. En soi, le voyage en Israël n'accomplit rien. Obama l'a fait parce que faire autre chose, par exemple, intervenir en Syrie, aurait pu être pire.
Le regretté Robert Bartley, l'éditeur du Wall Street Journal, avait pour habitude de dire qu'il fallait cent éditoriaux sur un sujet pour attirer sérieusement l'attention du public. Que les lecteurs d'Asia Times pardonnent donc la répétition de ce qui est évident: la pagaille syrienne et son l'extension vers le Liban ne sont sont gérables que si l'Iran ne peut plus y semer le trouble, mais pas autrement.
Un revirement pro-israélien était inévitable, comme je l'écrivais dans cet espace il y a deux ans (voir Israël sort vainqueur des révoltes arabes , Asia Times Online 12 Avril 2012):
La devise de la diplomatie au Moyen-Orient, ce sont les pertes civiles. La question militaire dans la région n'a jamais été de savoir si Israël pouvait écraser ses adversaires, mais s'il en avait la permission. … En dévaluant la vie arabe, le président syrien Bachar al-Assad,avec d'autres dictateurs arabes, ont renforcé la position stratégique d'Israël . Personne n'a fait attention à la douzaine et demi de morts à Gaza lors de la dernière frappe de représailles Israélienne. Au briefing du Département d'Etat américain du 7 Avril [2011], le porte-parole Mark Toner a condamné les récentes attaques à la roquette contre Israël "dans les termes les plus forts possibles", mais n'a rien dit à propos de la réponse israélienne. C'est un présage des choses à venir ... La Syrie se fracturera d'avantage. Le meilleur plan d'action d'Israël est, pendant que ses adversaires potentiels sombrent dans le chaos, de serrer les dents pendant les élections présidentielle américaines de novembre 2012, et d'attendre la bonne occasion pour régler ses comptes avec le Hamas et le Hezbollah.Pendant que la Syrie se désintègre, Washington a besoin de coordonner avec les États frontaliers, le renseignement, l'interdiction des armes et dans le cas extrême l'intervention. L'Irak ne sera d'aucun secours, car elle craint, plus que tout autre résultat une victoire des rebelles sunnites. Le Premier ministre chiite de l'Irak, Nouri al-Maliki a mis en garde le 28 Février, que la victoire des rebelles
' engloutira l'Irak en créant un refuge pour les extrémistes''. [1]
Il a peur qu'une Syrie dominée par les sunnites, s'allierait avec " l'Eveil sunnite", mouvement armé et financé par le général David Petraeus lors de son opération de 2007-2008, ce qui empêchera de gouverner la majorité chiite irakienne. Cette crainte n'est pas infondée.
Cela nous laisse la Turquie, la Jordanie et Israël. La Turquie est dans une situation inextricable Elle ne peut pas intervenir sans affronter les 2 millions de Kurdes syriens, qui ont atteint un niveau sans précédent d'autonomie pendant la guerre civile. Ankara ne peut pas revendiquer le leadership du monde sunnite, sans aider les rebelles, mais elle ne peut pas non plus risquer un démembrement de l'Etat syrien sans augmenter la probabilité que la zone autonome Kurde de la Syrie se lie avec tous les Kurdes, qui souffrent depuis longtemps, en Irak ,en Iran, et finalement en Turquie .
La prise en main de l'Egypte par les Frères musulmans et leur rôle central dans l'insurrection syrienne, quant à lui, menace la monarchie jordanienne. Le pays est assez petit pour que l'Amérique puisse garder le roi Abdallah au pouvoir - si elle fait suffisamment d'efforts.
De quoi a besoin l'Amérique en Syrie? Il est inutile de parler de limiter les pertes civiles lorsque les deux camps utilisent les atrocités comme un moyen de renforcer la détermination de leurs combattants qui craignent à juste titre de terribles représailles s'ils devaient être vaincus. La première des priorités est le contrôle des armes chimiques de la Syrie, et la priorité secondaire est de neutraliser certains des participants les plus dangereux - le Hezbollah et des éléments des gardes révolutionnaires iraniens du côté du gouvernement, et ceux du genre d'Al-Qaïda du côté des rebelles.
Les sénateurs John McCain et Lindsey Graham ont bruyamment milité pour l'intervention au sol par des américains dans le cas où la Syrie utilise des armes chimiques contre les rebelles. Voici ce qu'a dit Graham le 19 Mars
Absolument, nous devons aller sur le terrain. Il n'y a pas de substitut à la sécurisation de ces armes. Peu importe les moyens nécessaires. Nous avons besoin de partenaires dans la région. Mais je suis ici pour dire, que si nous devons choisir entre envoyer des troupes pour sécuriser les sites d'armes chimiques ou de permettre qu'elles tombent dans les mains de quelques-unes des personnes les plus violents du monde, je vote pour donner un coup d'arrêt avant que cela ne devienne un problème. [2]Mais il n'est pas clair comment l'armée américaine est censée le faire .
L'unique puissance régionale avec une expérience dans la destruction des armes de destruction massive syriennes c'est bien sûr Israël, qui, en Septembre 2007, a détruit en Syrie les installation nucléaires à al-Kibar . Israël a encore sans doute les meilleurs services de renseignements sur la Syrie, avec un pool presque illimité de traducteurs de langue arabe pour analyser les communications de son voisin du nord, ainsi qu'une capacité de surveillance sans pareil par des drones.
Avec le départ du ministre de la Défense Ehud Barak, l'administration Obama a perdu son ami le plus fiable et "l'influence modératrice" dans le cabinet israélien. Il est remplacé par Moshe Yaalon, un ancien chef d'état major ferme et résolu.
Le gouvernement précédent de Netanyahu s'appuyait sur les partis ultra-orthodoxes dont les partisans sont essentiellement des quiétistes religieux qui ne servent pas dans les forces armées. Le gouvernement actuel marque la perte du pouvoir des ultra-orthodoxes pour le donner à la composante nationale et religieuse qui est croissante dans la société israélienne. Elle fournit déjà près de la moitié des officiers des Forces de défense israéliennes. Son nouveau parti, La Patrie des Juifs [Ha-baït Ha-Yehoudi] de Naftali Bennett , détient l'essentiel ministère du logement , qui est responsable des implantations colonies de Judée et de Samarie.
Le président Obama pourrait se souhaiter à lui-même un âge d'or de la démocratie musulmane, mais il ne l'obtiendra pas, et maintenant il le sait. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan pourrait vouloir humilier Israël et de se positionner comme la meilleure chose après un sultan ottoman, mais il ne l'obtiendra pas non plus, du moins pas de sitôt.
Ce qu'il pourrait obtenir est un élargissement de sa frontière sud et une guerre régionale dans laquelle la Turquie semble impuissante et hors de propos. La Turquie aura du mal à dominer le monde arabe qui se souvient avec rancœur des siècles de domination ottomane, et à chaque semaine qui passe il y a de moins en de monde arabe à dominer. C'est le contexte de l'acceptation apparente d'Erdogan des apparentes excuses israéliennes pour l'incident du Mavi Marmara de 2010, en échange de la restauration des relations diplomatiques. Netanyahu a fait semblant de s'excuser dans un communiqué entièrement au subjonctif, et Erdogan a immédiatement renoncé à son engagement initial de rétablir des relations diplomatiques avec la Turquie et de mettre fin au procès symbolique des officiers supérieurs israéliens.
Cette mascarade a été interprétée à l'initiative du président Obama, qui veut faire croire qu'il fait quelque chose à propos du désordre syrien.
Nous en sommes réduits à attendre sur le rivage d'une mer Rouge stratégique. La réalité a peut-être poussé Obama à s'appuyer sur Israël, son dernier allié qui soit d'importance, mais il n'a ni le cran ni l'envie d'émasculer l'Iran. Si Israël prend des mesures de façon indépendante est au-delà de la compétence du jugement de toute personne à l'extérieur du cabinet israélien.
Notes:
1. Maliki met en garde la Syrie: le conflit pourrait engloutir l'Irak , Le Majalla, 28 Février 2013.
2. Voir Huffington Post , 19 Mars 2013.
Spengler est animé par David P Goldman. Son livre How Civilizations Die (and why Islam is Dying, Too) a été publié par la presse Regnery en Septembre 2011. Un recueil de ses sur la culture, la réligion et l'économie, It's Not the End of the World - It's Just the End of You, est également paru en l'automne, chez l’éditeur Van Praag.
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