Barry Rubin publie sur Pajamas Media
une interview du Dr Jonathan Spyer, senior fellow au centre pour la recherche en affaires internationales ( le GLORIA Center) , qui a récemment visité la Syrie et a voyagé dans le territoires tenu par les rebelles.
C'est votre deuxième voyage d'observation en Syrie. Qu'est ce qui a changé par rapport au premier voyage?
La première chose la plus immédiatement perceptible, c'est que dans les gouvernorats du nord d'Alep et Idlib, le régime d'Assad n'existe plus vraiment sur le terrain. En Février, traverser la frontière de la Turquie était potentiellement très dangereux parce que les troupes du régime syrien étaient toujours en patrouille à la frontière. Et les rebelles à Idleb ne se deplaçaient que la nuit, évitant les routes principales, n'utilisant que les routes secondaires à l'aide de passeurs et de pistes pour rejoindre les différentes villes sur lesquelles ils exerçaient un contrôle précaire.
Aujourd'hui, en raison d'un manque d'hommes fiables et à cause du harcèlement des rebelles, le régime a abandonné ces zones et les rebelles ont pris le plein contrôle du terrain. L'Armée syrienne libre (ASL)exploite maintenant le poste frontalier de Bab el Salam, en coopération avec les Turcs. L'ASL tient des points de contrôle à intervalles réguliers tout le chemin de la frontière jusqu'à l'entrée de la ville d'Alep, à deux heures de route au sud. Ce n'est que dans la ville elle-même que le régime est encore déployé sur le terrain. Il s'agit donc d'une différence très notable. Il faut nuancer ce tableau, cependant, en notant que le régime a toujours le contrôle à 100% de l'espace aérien au-dessus de ces zones et l'utilise pour effectuer des raids aériens et sur la ASL et sur les civils dans cette zone. L'armée du régime détient toujours un certain nombre de postes isolés dans le governorat d'Alep: un terrain d'aviation militaire et de formation d'officiers.
- Veuillez décrire la situation à Alep, la plus grande ville de la Syrie. Quelle est l'importance des groupes salafistes, sont-ils bien organisés, et d'où obtiennent-ils leurs armes?
Les médias ont accordé beaucoup d'attention aux groupes djihadistes salafistes qui combattent dans la ville d'Alep, mais à mon avis ils ne sont que d'une importance secondaire à la fois militairement et politiquement. Le plus important des groupes salafistes c'est Ahrar al Sham, qui est soutenu par l'Arabie saoudite. Ce groupe est très visible en différents points importants tenues par les rebelles dans la ville. Ils sont très visiblement salafistes, tant dans leur façon de s'habiller et a cause des bannières noires, blanches et vertes coraniques qui marquent leurs positions au lieu du drapeau des rebelle syrien. On pense qu'ils reçoivent des armes et du soutien des Saoudiens. Mais ils ne sont pas particulièrement réputés pour leur efficacité militaire.
L'autre important groupe salafiste, Jabhat al-Nusra, est plus petit et serait lié à Al-Qaïda. Je n'ai pas vu des membres de ce groupe dans la ville. Mais je suppose que la combinaison similaire de zèle extrême et d'efficacité limitée pourraient bien le caractériser. En général, les informations suggèrent que Riyad est bon pour créer des organisations terroristes, moins bon pour créer des groupes militaires efficaces. Je pense que cela est confirmé dans le contexte syrien.
- Et les groupes de Frères musulmans?
Le principal groupe d'Alep, qui a été signalé comme affilié aux Frères musulmans est la brigade Tawhid.
C'est le plus grand groupe rebelle dans la ville. J'ai interviewé l'un des commandants de cette brigade et ai passé quelque temps avec un groupe de ces combattants. Ils sont bien armés, bien équipés et bien organisés, et étaient sans doute l'organisation la plus impressionnante que j'ai vu dans la ville sur le plan organisationnel et militaire. Ils ont également donné l'impression de discipline et d'engagement. L'engagement, bien sûr, est du style des Frères musulmans : islamisme sunnite. Des rapports suggèrent que ce groupe bénéficie du soutien de Frères musulmans, de la Turquie et du Qatar. Ce serait logique en termes de perspectives. Le commandant à qui j'ai parlé ont reconnu ce soutien, mais a dit qu'il était composé de "seulement de matériel de secours." Il a également dit que le fait que le Tawhid est aidé par des «Etats islamiques» avait provoqué des tensions entre la brigade et les chefs de l'Armée syrienne libre .
- Et les non-islamistes-?
Les bataillons Non-islamistes sont vaguement organisés sous la bannière de l'Armée syrienne libre , ils prolifèrent à Alep, chaque bataillon ayant son propre nom et repond aux ordres du Conseil militaire d'Alep qui coordonne la campagne militaire dans la ville.
Il est important de noter que les officiers et sous officiers volontaires laïques sont nombreux dans l'armée syrienne libre, ils tiennent à souligner que la rébellion ne consiste pas uniquement des islamistes.
- Alors, cette guerre doit s'attendre à se poursuivre pendant un certain temps?
Je pense que oui. Actuellement nous sommes dans une impasse dans la guerre civile en Syrie, aucune des équipes n'est capable d'avancer et de porter un coup décisif contre l'autre. La rébellion est nombreuse, déterminée et organisée. Mais les structures du régime ne montrent également aucun signe d'effondrement.
Le régime a clairement une pénurie de main-d'œuvre. D'autre part, il conserve son artillerie et surtout ses capacités aériennes. Les rebelles n'ont pas de vraie réponse à la puissance aérienne du régime, et le régime est en train de lancer des frappes aériennes quotidiennes contre les zones rebelles, provoquant de lourdes pertes en vies humaines.
Les rebelles ont lancé la semaine dernière une offensive à Alep conçudans le but d'expilser le régime des dernières zones qu'il contrôle (les rebelles détiennent 60-70% de la ville sur le terrain). Mais l'offensive échoua rapidement, en raison, d'une pénurie de munitions, et l'impasse ne semble pas avoir été interrompue.
- Comment voyez-vous l'avenir, que sera le régime post-Assad en Syrie selon vous?
Il est difficile de le prévoir. Je pense que Assad est déterminé pour qu'il n'ait pas de post-Assad en Syrie, et je pense qu'il devrait être pris au sérieux à cet égard. Les rebelles sont courageux et déterminés, mais le régime bénéficie d'une coalition internationale indéfectible derrière lui - y compris, surtout, l'Iran et la Russie. En conséquence du soutien iranien, Assad bénéficie également du soutien et de la coopération du Hezbollah au Liban et du gouvernement Maliki en Irak. Ce soutien indéfectible international se révèle précieux pour le dictateur, surtout lorsqu'on les compare avec le soutien partiel et tiède offert à la rébellion de ses supposés alliés et de l'Occident.
Compte tenu de l'impasse, je pense que la perspective la plus probable à venir pour la Syrie est l'un d'une guerre civile prolongée pendant l'avenir prévisible. Son résultat final ne peut être prédit, car il dépendra des décisions futures, entre autres des acteurs extérieurs, qui n'ont pas encore été faites.
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