Un nouveau chapitre s'ouvre dans la guerre sunnite-chiite
Le conflit sunnite-chiite est devenu la ligne de fracture politique et stratégique qui domine une grande partie du Moyen-Orient.
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La formation d'une coalition sunnite pour contester l'avance d'un vassal iranien au Yémen, et l'annonce subséquente à Charm al-Cheikh de la formation d'une force arabe de réaction rapide, forte de 40000 hommes, sont les derniers développements dans une guerre qui est en cours au Moyen-Orient depuis déjà un certain temps.
C'est une guerre entre les forces sunnites et chiites sur les ruines de l'ordre régional. C'est une guerre qui est peu susceptible de se terminer par la victoire massive de l'un ni de l'autre des belligérants. Au contraire, elle ne prendra fin que lorsque les deux forces se seront épuisées. A quoi ressemblera la région quand cette tempête passera est une énigme.
Les deux côtés dans cette guerre sont fondamentalement différents. Les annonces des saoudiens et de la Ligue arabe constituent une tentative des sunnites de réduire les écarts en ce qui concerne l'unité et l'efficacité avec leurs adversaires chiites.
Le côté chiite est un bloc uni, rassemblé autour des structures de la République islamique d'Iran. Les Iraniens sont une force opposée au statu quo, ouvertement anti-occidentale. Ils cherchent à mener un nouvel ordre au Moyen-Orient. Selon leur propagande, ils se caractérisent comme une alliance de forces musulmanes authentiques adversaire de l'Occident et de ses mercenaires.
Du côté chiite c'est un bloc uni, rassemblé autour des structures de la République islamique d'Iran.
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En réalité, c'est un agglomérat de groupes presque exclusivement chiites, qui sont cependant unis et coordonnés. Il est possible que les traditions de la clandestinité et de la communication transfrontalière de la minorité religieuse chiite, jusque là négligeable, leur ont servi d'avantage.
Avec le Corps des Gardiens de la Révolution (CGR) et avec la Force Qods, les Iraniens possèdent un instrument parfaitement conçu pour les événements en cours dans la région. Cette force est un rassemblement de révolutionnaires professionnels, dont le métier spécifique est la mobilisation et la direction des organisations vassales politico-militaires.
Le contexte de la guerre actuelle est celui dans lequel les Etats se sont effondrés et émietté en leurs composantes sectaires ou ethniques.
Au Yémen, en Irak, en Syrie et d'une manière moins violente au Liban, nous voyons des «successeurs» à l'Etat organisés sur une base confessionnelle ou ethnique qui se battent les uns les autres.
Dans un tel contexte, l'existence d'une agence de l'Etat dont le champ d'expertise spécifique est la création et le maintien des organisations politico-militaires sectaires est un énorme avantage. Les sunnites n'ont pas d'équivalent du CGR et la Force Qods.
Le côté sunnite dans cette guerre a été beaucoup plus disparates, confus et compliqué.
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Son existence et ses compétences sont derrière la domination du Liban par le Hezbollah, la survie du régime Assad en Syrie, la mobilisation de la milice chiite actuelle contre l'Etat islamique en Irak et l'offensive Ansar Allah (Houthi) au Yémen.
Le côté sunnite dans cette guerre a été depuis le début, une affaire beaucoup plus disparate, confuse et compliquée.
Il existe un certain nombre de raisons à cela. Il n'existe aucun équivalent sunnite à l'Iran, aucun État puissant unique qui rassemble sous son aile et dirige toutes les autres forces.
Pendant les quarante dernières années, les plus puissants Etats arabes sunnites formaient les éléments clés de l'alliance régionale dirigée par les Etats-Unis. Si l'Iran était la main "guidant" le défi chiite au statu quo régional, alors la force organisatrice derrière les Etats sunnites pro-Status Quo étaient les États-Unis.
Mais dans la dernière demi-décennie de la guerre sectaire émergente dans la région, les Etats-Unis ont été absents, ignorant entièrement la dynamique des événements. Ainsi, les sunnites ont été laissés à la dérive.
Les États-Unis ont cherché à apaiser aussi bien les Iraniens que l'élément anti-occidental radical sunnite - les Frères musulmans. Tout cela apparemment dans le cadre d'un effort de se retirer de la région et de laisser les clés à celui qui semblera le plus enclin à s'en emparer.
Les puissances sunnites pro - statu quo sont désormais déterminées à s'organiser indépendamment des États-Unis.
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L'engagement de neuf pays à majorité sunnite dans l'alliance organisée par l'Arabie Saoudite est le fruit d'une tentative ambitieuse de Riyad pour créer un nouveau bloc régional opposé au bloc Iranien.
Le Maroc, l'Egypte, la Jordanie, le Soudan, le Pakistan, le Qatar, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis sont à bord. La volonté de stopper l'avancée au Yémen du mouvement des Houthis, soutenu par l'Iran, est le premier test de ce rassemblement nouveau et inédit.
Le succès reste incertain. Des Navires égyptiens ont été envoyés dans la région. Les frappes aériennes ont commencé. Mais les guerres actuelles au Moyen-Orient ne sont pas principalement les affaires high-tech. La puissance aérienne joue certainement un rôle important. Mais à la fin, ce sont des guerres d'usure par le biais de milices, qui se battent sur le terrain.
Dans une telle guerre, la guérilla islamiste chiite et tribales des Houthis et leurs guides du CGR sont susceptibles de bénéficier d'un certain avantage. Le terrain difficile du Yémen est susceptible de l'accentuer encore plus.
Cela soulève une autre difficulté pour les sunnites.
Jusqu'à présent, l'expérience de l'Irak et la Syrie indique que les seules forces sunnites qui ont pu avoir un avantage sur l'élément soutenu par l'Iran et tenir leur position sont les islamistes. Remarquez la récente conquête par une force dirigée par un affilié à al-Qaïda, (et client du Qatar), Jabhat al Nusra de la ville d'Idleb dans le nord ouest de la Syrie.
En quatre ans de guerre civile, Idleb est la deuxième capitale provinciale à tomber aux mains de forces anti-Assad. La première était Raqqa, plus à l'est. Elle est maintenant contrôlée par l'État Islamique.
La mobilisation sunnite est un rassemblement sectaire par excellence .
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Cela signifie que pour repousser les Iraniens les Arabes sunnites, dirigés par l'Arabie Saoudite, seront amenés à impliquer les djihadistes sunnites, et les Frères musulmans - le Hamas, qui est la branche palestinienne des frères musulmans, a également déclaré la semaine dernière son soutien à l'initiative saoudienne.
L'initiative saoudienne n'a pas non plus mis un terme aux divisions entre les sunnites. La répartition entre les éléments pro et anti-Frères musulmans n'a été que masquée. Au début de ce mois, le Qatar et la Turquie, les principaux Etats sunnites qui soutiennent les Frères musulmans, ont signé un accord militaire distinct.
Cette mobilisation n'annonce aucune réforme régionale. C'est, par excellence, un rassemblement sectaire .
Mais malgré tous les risques et mises en garde, l'émergence de la coalition organisé par l'Arabie Saoudite pour le Yémen et l'annonce de la nouvelle force arabe de déploiement rapide dans la région, sont des développements de grande importance, peut-être historique.
Les sunnites relèvent le défi lancé il y a quelque temps par les Iraniens.
Cette guerre dure depuis longtemps. Elle a évolué progressivement. Cette semaine, avec l'annonce de l'alliance au Yemen, dirigée par l'Arabie Saoudite, ses dimensions complètes sont devenus clairement visibles. Un nouveau chapitre commence dans la région.
Jonathan Spyer est directeur du Centre pour la recherche Rubin en affaires internationales et membre du Forum du Moyen-Orient. Il est l'auteur de
The Transforming Fire: The Rise of the Israel-Islamist Conflict (Continuum, 2011).
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