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jeudi 31 mars 2011

Pour Assad, tout n’est que complot

Liberation
Syrie: «Le discours de Bachar al-Assad ne pouvait pas surprendre»

Fabrice Balanche est maître de conférences à l'Université Lyon 2 et directeur du Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMMO) à la Maison de l'Orient. Spécialiste de la Syrie, il y a vécu plusieurs années.

Il décrypte la mise en scène et les points abordés par Bachar al-Assad dans son discours, le premier depuis le début de la contestation.

Le président syrien n'y a annoncé aucune réforme concrète, n'a pas évoqué la levée de l'état d'urgence (promise la semaine dernière par sa conseillère) et évoqué une «conspiration» venue de l'étranger.



Souriant. «Bachar al-Assad est apparu très décontracté, un peu à la Tony Blair. Il plaisante avec les députés, n'est pas rigide comme son père [Hafez al-Assad, dont il a hérité le pouvoir à sa mort, en 2000, ndlr]. Il joue sur une image sympathique, cherche à montrer qu'il est sûr de lui et de son pouvoir.»

Sunnites. «Au début du discours, un député, habillé comme un religieux sunnite, s'est levé. Il a imploré Bachar de "les protéger". C'était clairement une mise en scène, pour montrer que les sunnites sont du côté du pouvoir.»

Une «guerre des slogans». «Les députés ont scandé, pendant et après le discours, "Dieu, la Syrie, Bachar et c'est tout". C'est la phrase rituelle prononcée à l'égard des dirigeants en Syrie. Bachar a corrigé: "Non, c'est Dieu, la Syrie, le peuple et c'est tout". Les manifestants ont, eux, détourné cette phrase, et scandent "Dieu, la Syrie, la liberté et c'est tout".»

La conspiration venue de l'étranger. «C'est une rhétorique très classique, je ne m'attendais pas à autre chose. Ce sont des arguments qui portent, la plupart des gens y croient. Le pays vit dans cette ambiance depuis 1963 et la prise du pouvoir par le parti Baas.

«Il a évoqué un plan américain qui, depuis 2001, viserait tour à tour l'Afghanistan, l'Irak, le Liban, etc.

«A propos de Deraa [la ville qui s'est soulevée la première, sévèrement réprimée, ndlr], il a dit que ce n'était pas possible que ce soient les habitants qui manifestent car, étant proches de "l'ennemi sionniste" (ce sont les termes qu'il a employés), ils savaient mieux que les autres les dangers qu'encourrait la Syrie.

«Il a donc clairement accusé Israël d'avoir manipulé les gens de Deraa. A Lattaquié [où se sont déroulés de violents affrontements ce weekend, ndlr], il a sous-entendu que c'était le Liban de Saad Hariri qui était intervenu.»

Les réformes. «Il n'a annoncé aucune mesure concrète, ni même évoqué l'état d'urgence. Sa conseillère avait déjà parlé de tout cela la semaine dernière et, pour lui, c'est du menu fretin. Lui, il est là pour parler du monde arabe, de la place de la Syrie, du complot, etc.

«Il s'est présenté en grand réformateur, a prétendu que les réformes avaient déjà été lancées en 2005. A appelé le peuple à la patience, demandé du temps.

«Bachar n'est pas fou. Il a vu ce qui s'était passé en Tunisie et en Egypte, son régime a imaginé les différents scénarios en cas de contestation. Là, ils ont clairement choisi de ne rien lâcher sous la pression, contrairement à ce qu'avaient fait Ben Ali et Moubarak.»

Héritier. «La teneur du discours était attendue. Bachar al-Assad ne pouvait pas surprendre, car il est l'héritier d'un système. Il essaie de réformer à la marge, mais il ne peut pas changer les choses en profondeur. S'il va trop loin, le régime tombe. Car celui-ci est aux mains d'une communauté minoritaire en Syrie, les alaouites. En cas de libéralisation de la vie politique, le régime saute.»

Et maintenant? «Le test, ce sera vendredi: y aura-t-il des manifestations monstres après la grande prière? L'opposition syrienne est-elle complètement muselée ou est-elle capable d'organiser ces manifestations? Il faut que cela bouge partout dans le pays, au même moment. Sinon, le régime enserre la ville rebelle, envoie les troupes, et c'est le massacre. Je pense que les services de sécurité vont convoquer les imams et leur faire la leçon.»

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