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jeudi 31 mars 2011

Le Liban organise le traffic d'employées de maison

L'Orient le Jour

« Le système du garant, le processus de recrutement, l'absence de protection légale et les pratiques qui régissent les conditions de travail des employées de maison migrantes au Liban placent ces travailleuses dans une situation de grande vulnérabilité, car elles sont à la merci de leur garant, souligne Kathleen Hamill. Cette situation est discriminatoire à l'égard des employées de maison et entraîne la mise en place d'un trafic. » Selon l'analyse légale de l'avocate, on assiste à un véritable trafic des employées de maison étrangères au Liban.
Cette militante se base sur la définition internationale du trafic humain, qui parle de recrutement, de transfert et de réception de personnes en vue de les soumettre au travail forcé et de les exploiter professionnellement ou sexuellement. « L'exploitation de cette main-d'œuvre vulnérable peut rapidement se transformer en travail forcé, en servitude, voire en esclavage, constate Mme Hamill.

Confiner une employée domestique à la maison, la priver de liberté, ne pas lui donner de jour de congé, confisquer son passeport, ne pas lui payer son salaire, l'abuser physiquement ou sexuellement sont considérés comme étant des situations de travail forcé », ajoute-t-elle.

« Souvent aussi, l'employée de maison est déçue par ses conditions de travail. Lors de son recrutement, on lui avait promis d'autres conditions », explique-t-elle. « Par ailleurs, 65 % des femmes interrogées durant l'enquête ont avoué avoir travaillé dans des situations proches de l'esclavage », fait-elle remarquer. Mme Hamill dénonce également les mesures prises par la Sûreté générale à l'aéroport de Beyrouth, qui privent les employées de maison migrantes de liberté de mouvement. « Le Liban a pourtant ratifié la Convention internationale contre le trafic humain en 2005 », observe-t-elle.

Face à cette situation, quatre pays, les Philippines, l'Éthiopie, le Népal et Madagascar, ont interdit à leurs ressortissantes de venir travailler au Liban. « Mais les autorités libanaises ne reconnaissent pas l'interdiction », déplore-t-elle.

« Frapper la bonne, une normalité »
Le professeur Ray Jureidini se demande, pour sa part, pourquoi ces abus au quotidien envers les employées de maison au Liban. « Pourquoi la violence, les agressions, les heures de travail exagérées, l'interdiction de repos, le harcèlement contre ces femmes migrantes ? » s'interroge-t-il, estimant que cela n'est « ni normal ni culturel ». « Car on ne peut généraliser », tient-il à affirmer, constatant qu'il existe d'excellentes relations entre les employées de maison et leurs employeurs. Et de se demander « pourquoi certaines employeuses maltraitent leurs employées de maison et d'autres pas ». « Peut-être faudrait-il offrir des services psychologiques à celles qui maltraitent leurs employées de maison », estime-t-il.

Analysant les raisons qui pourraient être à l'origine de la maltraitance par les employeuses de leurs employées de maison, le professeur Jureidini évoque « une colère ou une expérience négative durant l'enfance, qui pourrait avoir été mal intériorisée ». « Cela pourrait aussi être une mauvaise relation à la mère, de la haine à l'égard de personnes du même genre, une paranoïa envers la main-d'œuvre domestique ou un état pathologique, note-t-il.

L'employeuse peut également ressentir de la jalousie à l'égard de son employée de maison, craignant que celle-ci ne prenne sa place auprès de son mari et de ses enfants », ajoute-t-il.
Ray Jureidini va plus loin. « Au Liban, frapper la bonne est une normalité », dit-il. Il déplore l'impunité à l'égard des employeurs violents, constatant qu'il est difficile d'intervenir dans les affaires privées, et donc dans les foyers.
« Seule une réforme structurelle fondamentale, qui abolirait le système du garant, pourrait faire changer les choses », souligne-t-il. Sans oublier, bien entendu, la mise en place d'une loi du travail juste, qui garantirait les droits de la main-d'œuvre étrangère. Les deux chercheurs sont formels à ce niveau. Mais encore faudrait-il que les autorités réalisent l'urgence de la situation.

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